Le Diabète au féminin : comment le conjuguer ?

22 Juin 2019

Aujourd’hui, le Professeur Eric Renard (Département d’Endocrinologie-Diabète-Nutrition, Université et CHU de Montpellier) vous communique sur Diabète Infos, le résumé de son intervention sur le Diabète au Féminin à la Gazette Café (Conférence grand public gratuite qui a eu lieu le jeudi 13 juin 2019). Nous remercions le Professeur Eric Renard du fond du coeur pour son travail et pour son partage.

Le diabète touche aujourd’hui près de 5% de la population française sans spécificité liée au sexe. Plus de 90% des cas sont des diabètes de type 2, en lien avec des facteurs génétiques (50% de risque de transmission quand un parent est atteint, 100% quand les deux parents le sont) et d’environnement liés l’excès de poids et de sédentarité. Moins de 10% sont des diabètes de type 1, maladie auto-immune en progression surtout chez les jeunes enfants, sans que les causes soient clairement élucidées (infections virales, facteurs alimentaires, changements environnementaux). Une forme particulière est le diabète gestationnel qui apparaît lors d’une grossesse et disparaît à son issue, en sachant qu’il traduit un risque accru de diabète de type 2 au cours des années qui suivent.

Des études d’intervention ont clairement établi que le risque de complications du diabète : atteintes rétiniennes, rénales, neurologiques (touchant surtout le pied), cardio-vasculaires, péri-articulaires et osseuses est étroitement lié au mauvais contrôle du diabète au long cours. Il apparaît donc essentiel de dépister tôt le diabète (surtout de type 2 car celui de type 1 se révèle de façon bruyante) et de le traiter avec efficacité en visant la normalisation glycémique dès le diagnostic pour prévenir les complications qui en font la gravité (le diabète est la première cause de cécité acquise, de recours à la dialyse ou à la greffe rénale et d’amputation de membre non traumatique). Les problèmes de santé associés : hyperlipidémie, hypertension artérielle, obésité, tabagisme, doivent être pris en charge avec la même attention car ils s’associent au diabète pour déterminer les complications cardio-vasculaires (infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux, artérite cervicale et des membres inférieurs).

Le contrôle du diabète est évalué par le dosage trimestriel de l’hémoglobine glyquée (HbA1c) qui témoigne de l’imprégnation des tissus par l’excès de sucre. L’objectif est d’atteindre une valeur inférieure à 7% (7.5% chez les enfants) sans excès d’hypoglycémies. Les sujets âgés et/ou atteints d’autres pathologies ont des objectifs moins stricts en raison du risque lié aux hypoglycémies ; ainsi une valeur de 8 à 8.5% peut être l’objectif chez ces personnes.

Une façon plus précise d’évaluer le contrôle du diabète est de porter un système de mesure continu du glucose (« capteur de glucose ») qui permet de mesurer le temps passé dans la cible de glycémie comprise entre 0.70 et 1.80 g/l, qui doit être idéalement supérieur à 70% par jour. Ces dispositifs sont préconisés et pris en charge par l’Assurance-Maladie chez les patients traités par multi-injections quotidiennes d’insuline ou porteurs de pompe à insuline.

Les traitements du diabète sont en constante progression : nouvelles insulines, nouveaux médicaments oraux ou injectables, nouveaux dispositifs médicaux mais l’hygiène alimentaire et l’activité physique restent des éléments essentiels de la prise en charge.

La femme est concernée par le diabète sur un certain nombre de points particuliers.

En période d’activité génitale, le diabète peut être plus difficile à contrôler en deuxième partie de cycle (durant les 14 jours qui précèdent les règles) en raison d’une certaine résistance à l’insuline d’origine hormonale. Le traitement, notamment les doses d’insuline, doivent ainsi être accrues chez certaines femmes durant cette période pour maintenir la glycémie proche de la normale.

Le bon contrôle du diabète s’accompagne souvent d’un petit excès de poids dû au fait que l’insuline est administrée par voie sous-cutanée ce qui augmente son taux dans le sang par rapport à une personne non diabétique et en raison des hypoglycémies qui conduisent à des prises alimentaires accrues pour les corriger. Cette tendance au surpoids est souvent mal acceptée. Il faut la limiter par une bonne hygiène alimentaire (éviter les abus d’aliments et boissons sucrées, consommer peu d’aliments gras) et une activité physique régulière (sous forme de marche pour le moins) qui permettent d’équilibrer le diabète avec des doses plus faibles d’insuline.

La ménopause s’accompagne d’une tendance à la prise de poids, surtout au niveau abdominal, ce qui peut déséquilibrer le diabète et faire augmenter les traitements. Outre la bonne hygiène de vie qui réduit le risque de prise de poids et entretient la masse musculaire, le traitement hormonal substitutif est possible en l’absence de contrindications non liées au diabète et sous surveillance gynécologique régulière appropriée (mammographies, frottis cervico-vaginaux et examen gynécologique réguliers). Les traitements oestrogéniques par voie percutanée (patchs, gels) sont à privilégier.

La grossesse est une période-clé qui mérite une attention particulière. Pour éviter les malformations fœtales, dont le risque est accru en cas d’hyperglycémie, les grossesses doivent être programmées par les patientes diabétiques.

Cela suppose en premier lieu le recours à une contraception qui permet de maîtriser la survenue de la grossesse. La contraception est ainsi recommandée chez les femmes diabétiques en période d’activité génitale. Les pilules non oestrogéniques à prendre en continu sont les plus appropriées mais les pilules oestrogéniques mini-dosées peuvent être aussi prescrites sous réserve d’une absence de tabagisme et de pathologies les contrindiquant indépendantes du diabète. Les dispositifs intra-utérins sont efficaces et ne sont pas source de complications accrues lorsque le diabète est contrôlé. Les méthodes locales sont aussi possibles mais d’efficacité plus aléatoire.

La conception doit être idéalement réalisée lorsque l’HbA1c est inférieure à 7%, voire 6.5% s’il n’y a pas trop d’hypoglycémies. Il faut ainsi renforcer la surveillance de la glycémie et ajuster au mieux les doses d’insuline pour éviter les hyperglycémies lors de la préparation à la grossesse. Ces règles de renforcement dans la prise en charge s’appliquent tout au long de la grossesse pour éviter la formation de gros bébés (macrosomie) qui sont plus fragiles en fin de grossesse et à la naissance et qui peuvent imposer la césarienne. Ce contrôle strict du diabète évite aussi l’aggravation des lésions rétiniennes et rénales lorsqu’elles préexistent à la grossesse. La tension artérielle doit être aussi bien surveillée et traitée en cas de valeurs excessives avant et durant la grossesse. Le tabagisme est proscrit. L’alimentation doit rester contrôlée pour éviter un excès de prise de poids. La prise d’acide folique avant la conception est recommandée pour réduire le risque de malformations du système nerveux. L’aspirine à petite dose peut être prescrite pour améliorer la perfusion utéro-placentaire. La surveillance diabétologique et gynéco-obstétricale est mensuelle jusqu’au 6ème mois puis intensifiée au-delà. La fin de grossesse bénéficie d’un monitoring fœtal régulier pour évaluer le bien-être du bébé et programmer l’accouchement et ses modalités.

Les femmes non diabétiques font l’objet d’un dépistage du diabète gestationnel en raison des conséquences de celui-ci sur le développement du bébé et les modalités de l’accouchement. Chez les femmes à risque accru de diabète gestationnel en raison d’un excès de poids, d’antécédents familiaux directs de diabète, d’antécédent de diabète gestationnel ou de grossesse ayant donné naissance à un gros bébé (plus de 4.5 kg), il est recommandé de contrôler la glycémie à jeun dès le diagnostic de grossesse. Une valeur supérieure ou égale à 0.92 g/l doit être interprétée comme un diabète gestationnel qui justifie immédiatement des mesures diététiques (réduction des aliments sucrés) et une activité physique régulière, ainsi qu’une surveillance pluriquotidienne de la glycémie en visant à ne pas dépasser 0.95 g/l avant les repas, et 1.20 g/l 2 heures après les repas. En l’absence de facteurs de risque, le dépistage systématique du diabète gestationnel est indiqué par un test de charge en sucre par voie orale entre la 24ème et la 28ème semaine d’aménorrhée. Une valeur de glycémie supérieure ou égale à 0.92 g/l à jeun et/ou supérieure ou égale à 1.80 g/l à 1 heure et/ou supérieure ou égale à 1.53 g/l à 2 heures traduit un diabète gestationnel. Si les mesures hygiéno-diététiques ne permettent pas d’atteindre les résultats voulus, des injections d’insuline seront nécessaires jusqu’à l’accouchement. Le fait d’avoir présenté un diabète gestationnel traduit un risque ultérieur accru de diabète. Il faut donc viser à retrouver le poids précédant la grossesse et suivre de bonnes règles alimentaires et d’activité physique dans les suites de la grossesse et au long cours. Une mesure régulière de la glycémie à jeun est aussi indiquée pour dépister l’apparition d’un diabète.

Au total, la prise en charge du diabète chez la femme répond aux mêmes objectifs de bon contrôle glycémique dès le diagnostic et au long cours que chez l’homme. Les spécificités hormonales du cycle menstruel et de la ménopause justifient une attention particulière.  La grossesse doit faire l’objet d’une programmation et d’un suivi renforcé chez les femmes diabétiques et d’un dépistage du diabète gestationnel chez les femmes non diabétiques. Le développement des moyens de surveillance de la glycémie et de traitement du diabète vise à optimaliser la prise en charge du diabète et à en réduire le risque de complications qui font sa gravité.

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